Concevoir pour l’apesanteur
Strabic a publié un article passionnant sur la création d’une bouteille et d’un verre qui soient utilisables dans une station spatiale. Je vous encourage à le lire en détail, mais voici quelques remarques.
Par certains aspects (surtout pour ce qui est de l’analyse de l’activité et du contexte), on est dans du classique : il y a des codes à intégrer (parti pris que la bouteille reste verte), un aspect social (le rituel de boire ensemble), une dialectique entre usage prescrit et réel (l’alcool est interdit dans les sous-marins et les environnements spatiaux, donc soit on boit en cachette, soit le chef est conciliant).
Quant à la conception, elle est largement exotique. Pour tester le bon fonctionnement des objets, ils utilisent des nacelles en chute libre dont l’intérieur est filmé. Apparemment la méthode est de leur cru (ils citent des inspirations mais je ne trouve pas de sources). Pas le plus commode mais c’est fascinant. Je me suis pris à rêver à des processus d’itération plus souples. À quand le premier designer dans l’espace, équipé de machines à prototypage rapide ?
L’absence de gravité change le moindre geste et influe sur bien des aspects de la physique. Mais il faut en tirer parti :
Et il ne s’agit pas seulement de s’accommoder de l’apesanteur, mais aussi et surtout de tirer profit d’autres forces physiques qui deviennent gouvernantes. Je pense notamment à la capillarité, qui est largement inhibée par la gravité sur Terre mais qui devient dominante en apesanteur.
En jouant avec la manière dont les fluides sont retenus ou repoussés selon la topologie et le matériau, plus une valve pour le goulot, ils ont ainsi pu recréer le geste de se servir un verre et de le boire. Plus largement, les designers réfléchissent à la réinvention de tout un répertoire de concepts et d’opérations. Par exemple, s’arrimer ou coincer un objet entre des bandes souples, au lieu de tout sangler et accrocher.