Pour une typographie pragmatique

En typographie, on aime bien les nombres magiques. Par exemple, il parait qu’il faut 66 caractères par ligne (recommandation de Bringhust, souvent répétée), que la hauteur de texte d’un livre doit être égale à la largeur de la page (selon le canon de Tschichold qui m’a toujours semblé mystérieux) et que mettre le Nombre d’or partout ne fait jamais de mal (à part bien sûr tomber dans la numérologie).

Différents canons de mise en page : ceux de Tschichold, d'un manuscrit médiéval (reconstruit) et de Van de Graaf. Source : Wikipedia
Différents canons de mise en page : ceux de Tschichold, d’un manuscrit médiéval (reconstruit) et de Van de Graaf. Source : Wikipedia

Pourtant, si on vous demande quelle est la taille idéale pour lire du texte, la réponse est « ça dépend ». De quoi ? Du choix de la police (plus ou moins lisible et plus ou moins grande à unité égale), de l’usage (niveau d’attention, luminosité, éloignement, etc.), du type de contenu (corps de texte ou élément d’interface ?)… bref de plein de choses. C’est d’ailleurs pour ça que les recommandations ergonomiques sérieuses sont souvent désespérément prudentes, du genre « toutes choses égales par ailleurs, la taille angulaire optimale serait comprise dans l’intervalle bla bla ». (Je parle de recommandations à valeur générale et pas pour un projet spécifique.)

Plus généralement, je dirais que la typographie est contextuelle à trois niveaux :

  • les interactions entre éléments. C’est ce qui fait, par exemple, que l’interlignage peut être diminué si la justification (la longueur de la ligne) est réduite [^Jason Santa-Maria, On Web Typography, p. 131]. Un choix ne doit jamais être fait isolément mais toujours de manière systémique.
  • L’usage. Par exemple, un panneau de signalisation dans le métro risque d’être lu de loin, de biais et dans une faible lumière.
  • Enfin, le type de contenu. Il permet de choisir entre plusieurs conventions. Par exemple, on peut arguer que séparer les paragraphes par un simple alinéa convient mieux à des textes fluides (fiction, dialogue), alors qu’une ligne vierge mettre mieux en valeur les étapes d’une argumentation. [^Idem, p. 134.]

Deux de ces exemples viennent d’un ouvrage récent, On Web Typography, que je recommande justement pour son caractère pragmatique et non dogmatique.